Le dossier de Première sur le film retrace les pénibles procédures dont on fait l'objet le projet Spider-Man. Pour lire la critique parue dans le même numéro, cliquez ici. Enquête en filature de CHRISTIAN JAUBERTU parue dans Premiere n° 304 de Juin 2002.

LES AVANTURES DE SPIDER-AN VONT FAIRE LE BONHEUR DES "CINE-FIL". MAIS QUE CE FUT LONG A TISSER ! ENTRE FAILLITES ET PROCES, ENTRE MEGALOMANIES ET AUTRES DELIRES, IL A FALLU 17 ANS POUR QUE CE HEROS DE BD FILE ENFIN DES JOURS HEUREUX AU CINEMA.

UNE TOILE EST NEE

Cinq ans seulement ont passé entre la naissance du personnage de Spider-Man en 1962 et sa première apparition à la télévision. Il y connaitra, par la suite, diverses incarnations dans des séries animées, soupes plus ou moins insipides, en prises de vues réelles (mais pas très crédibles), et même en professeur d'anglais dans un programme éducatif du début des années 70. Il faut patienter jusqu'en 85 pour que Marvel (l'éditeur) décide de céder au cinéma les droits des aventures de son héros. Contre toute attente, l'accueil d'Hollywood est des plus tièdes. Après trois épisodes, la série des "Superman" (avec Christopher Reeve) s'essoufle (ce n'est qu'en 89 que le Batman de Tim Burton viendra ranimer la flamme des superhéros en costume moulant). Dans la file d'attente des candidats à la reprise, on ne se bouscule pas. Et c'est finalement la Cannon qui décroche le contrat pour pour 225 000 dollars. Une paille.

Fondée par Menahem Golan et son cousin Yoram Globus, deux producteurs originaires d'Israël, la Cannon (spécialisée dans les films d'action où d'anciens champions d'Arts Martiaux recyclent leurs coups de latte) est, à l'époque, plus connue pour ses méthodes insidieuses (des encarts dans la presse) afin d'allécher les investisseurs sur des projets aux titres ronflants, et dont beaucoup ne seront jamais tournés. A leur crédit, Golan et Globus ne manquent pas d'ambition. Et surtout, ils croient en leur bonne (é)toile: "Spider-Man" doit représenter leur visa pour la cour des grands. Prêts à tous les sacrifices, ils engagent Leslie Stevens (le créateur de la série culte "Au-delà du réel") pour rédiger un premier scénario. Ignorant la BD, Stevens innove radicalement. Trop sans doute: en métamorphosant Peter Parker en tarentule géante, il se trompe de film et prend la porte. Le scénario est alors confié à Ted Newsom et John Brocanto - ceux-ci ont déjà travaillé avec Stan Lee sur des projets d'adaptation pour d'autres produits Marvel comme "Nick Fury" et "Namor, le prince des mers" (Brancato a depuis fait équipe avec Micheal Ferris pour écrire notamment Traque sur Internet, d'Irvin Winkler, The Game, de David Fincher, et Terminator 3, de Jonathan Mostow). Leur version, avec pour méchant le docteur Octopus, est nettement plus proche des thèmes de la BD.

 

DU FIL A RETORDRE

 Selon l'usage à Hollywood, la Cannon continue toutefois à développer le projet, commanditant plusieurs réécritures (dont une de la main de Menahem Golan sous le pseudonyme de Joseph Goldman). Côté réalisateur, on égrène tour à tour les noms de Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse), de Joseph Zito (portés disparus, avec Chuck Norris) et d'Albert Pyun (qui donnera par la suite un aperçu de ce à quoi ont échappé en signant en 90 un inepte Captain America). Mais en 87, les finances de Cannon ammorcent une vrille mortelle. La société doit réduire la toile et surtout le budget prévu pour le film. Et le renfort d'Ethan Wiley, pour écrire une nouvelle variante plus conforme aux manque de moyens, n'y change rien. Le bilan est déposé avant que le film soit mis en chantier.

Golan, qui refuse de perdre le fil de son rêve, crée en 89 une autre compagnie, la 21st Century Films, avec laquelle il finance plusieurs autres versions de "Spider-Man", qu'il soumet à la Columbia, avec laquelle il a un accord de distribution. Poursuivi par les créanciers, il doit une nouvelle fois renoncer à son projet et liquider les fonds de commerce. Visionnaire égaré, il disperse ses droits, cédant ceux du film à la Carolco, ceux de l'exploitation en vidéo à Sony et ceux des diffusions télé à Viacom (qui possède également Paramount).

Au début des années 90, la Carolco est en plein boum. Lorsqu'elle hérite du projet "Spider-Man", la compagnie dirigée par Marco Kassar et Andy Vajna surfe sur le succès des Rambo et de Total Recall, et prépare deux autres films qui vont se révéler des blockbusters lucratifs: Basic Instict et Terminator 2. Emoustillé et fan de l'homme-araignée,le réal de Terminator, James Cameron, se déclare immédiatement interessé. Trois millions de dollars et un an plus tard, il livre un premier jet de 57 pages proposant une nouvelle ligne narrative entrecoupée de morceaux de dialogues. Ce document, consultable sur l'internet et une source d'inspiration reconnues du scénario final de David Koepp. Cameron a approfondi les tourments psychologiques qui tourmentent les héros et propose un Peter Parker plus sombre que dans les versions précédentes. C'est lui qui a introduit le personnage de Mary-Jane, une voisine qui s'interesse à Peter Parker. C'est lui encore qui a décidé que la toile, projetée par les poignets de Spider-Man, sortirait d'appendices organiques mutants et non, comme dans la BD, d'appareils bricolés par Parker. Mais alors que James Cameron se prépare à entrer en préproduction, la Carolco fait faillite, asphyxiée dans un imbroglio juridico-financier où sont mêlés le Crédit Lyonnais, la MGM et Giancarlo Parreti.

 

DE FIL EN AIGUILLE

   On arrive à 1995: la vie du héros ne tient plus qu'à un fil. Fragile. Quelques mois plus tard, plombé par des années de gestion erratique et des querelles internes, Marvel dépose à son tour le bilan. Entre ceux qui sont chargés de régler les faillites et ceux qui travaillent sur la question des droits de "Spider-Man", les avocats s'arrachent les cheveux. Les actions en justice se multiplient. La situation semble désespérée. Il faudra quatre ans à la Coloumbia pour parvenir à la démêler et s'assurer l'exclusivité des aventures de Spider-Man au cinéma. Le temps nécessaire aussi pour Avi Arad, qui gérait auparavant la filiale jouets, de prendre le contrôle de Marvel, de remettre la société sur les rails et de tisser des relations solides avec Hollywood. Le moment est d'ailleurs favorable: le développement des effets spéciaux numériques offre de nouvelles perspectives pour transposer à l'écran les exploits des superhéros de son catalogue. Le succès que remporte X-MEN, de Bryan Singer, ouvre la voie à toute une série de films, dont Spider-Man n'est que le premier à sortir. Hulk et Daredevil sont en tournage, un X-MEN 2 en pré-production, un film sur les "Quatre fantastiques" et un autre sur "Le Prince des mers" en développement... Et le succès prévisible de Spider-Man devrait accélerer le mouvement.

    Le 1er mars 99 donc, Sony Pictures Entertainment publie un communiqué annonçant que la société est parvenueà un accord avec Mavel pour porter rapidement à l'écran les aventures de Spider-Man. La plupart des obstacles juridiques ont été levés. L'accord inclut nottament les droits du projet rédigé par James Cameron. Mais celui ci, devenu "roi du monde" grâce à Titanic, renonce au film. David Koepp (Mission:Impossible; Jurassic Park) se met au travail sur le scénario. Il en écrira plusieurs versions, avec différents méchants. Les producteurs s'attaquent alors au choix d'un réalisateur. Des noms circulent pendant plusieurs moi: on évoque les frères Wachowski, Stephen Sommers, Ron Howard, Ivan Reitman, Tim Burton, Chris Columbus, Jan de Bont ou encore David Fincher... Mais l'enthousiasme de Sam Raimi pour le sujet et son expérience en matière de superhéros (cf. Darkman, 90) emportant le morceau. Les spéculations sur l'acteur qui jouera Peter Parker sont encore plus animées. Au fil des rumeurs, les fans discutent des mérites respectifs de Heath Ledger, Owen Wilson, Jason Schwartzman, Wes Bentley, Nicholas Brendon, Leonardo DiCaprio, Freddie Prinze Jr., Jude Law... Jusqu'au 31 juillet 2000, quand Sony annonce que Tobey Maguire a signé pour le film, avec des options pour des éventuelles suites. En janvier 2001, le tournage commence à l'issue d'une conférence de presse réunissant plusieurs centaines de journalistes venus du monde entier, sur un vaste plateau de la Columbia: là, sur un ring, les spectateurs verront Peter Parker tester ses nouveaux pouvoirs face à un redoutable catcheur.

    La plupart des scènes d'intérieur ont été filmées aux studios Sony de Los Angeles, les extérieurs à New-York. Le tournage a été endeuillé par la mort d'un machiniste sur qui une grue, utilisée pour monter les décors, s'est effondrée. A cause des attentats du 11 septembre, certaines scènes où l'on pouvait voir les Twin Towers ont dû être effacées. Enfin, quatre costumes ont été volés sur le plateau, incident qui serait passé inaperçu si Sony n'avait offert une récompense de 25 000 dollars pour toute information permettant de les récupérer. Les équipes des effets spéciaux ont travaillées pendant plus d'un an sur le film. A quinze jours de la sortie américaine, on apprenait que Sam Raimi avait signé pour réaliser Spider-Man 2 dont le tournage devrait commencer au début de l'année prochaine. Pour les producteurs, pas de doute: un nouveau héros est appelé à régner.

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