GREEN MACHINE (Wizard n°2 Juin 2002) Par MIKE COTTON.
 
A l'affiche du film "Spider-Man", Willem Dafoe transcende le Bouffon Vert, égratigne Tobey Maguire et se prépare déjà pour une éventuelle suite.
 
 
Willem Dafoe sort de l'ascenseur plaqué or du très branché L'Ermitage Hotel à Beverly Hills, un large sourire aux lèvres. Pas étonnant pour un acteur qui vient de jouer dans un film qui a couté la bagatelle de de quelques millions de dollars.
En effet, Dafoe incarne le Bouffon Vert dans un des logs métrages les plus attendus de tous les temps: "Spider-Man", qui sort le 12 juin en France. Cette super-production de Coulumbia Pictures, dont le bufget dépasse allègrement les 100 millions de dollars, et qui allie action et effets spéciaux dernier cri, projette enfin sur grand écran - et bien après des péripéties - le célèbre personnage Marvel.
"C'est un film à gros budget, donc vous savez qu'il va y'avoir plein d'effets spéciaux, que ça va faire du bruit, nous confie l'acteur américain âgé de 47 ans, déjà nominé aux Oscars, en s'installant confortablement sur un des canapés qui occupent le hall d'entrée très chic de l'hôtel. Mais on a toujours peur que le concept, la publicité et tout le reste viennent altérer la beauté du film."
Les craintes de Dafoe de se voir embarqué dans un ratage comme "Batman et Robin" se sont vite estompées après un certain coup de film que lui a donné le réalisateur Sam Raimi.
"Pour être honnête, petit, je n'ai jamais beaucoup lu de comics, avoue Dafoe en sirotant sa tasse de thé, dans son jean noir déchiré, les cheveux encore humides plaqués en arrière . Je connaissais juste la chanson " L'arraignée, l'araignée..." L'intérêt de Raimi pour ces personnages et la psychologie des héros me fascinait. Il avait tellement d'admiration pour eux, il connaissait l'histoire de Spider-Man tellemant bien que j'étais impressionné."
Et Dafoe n'est pas le seul à s'être laissé prendre. Le fait que Raimi ait réussi à impliquer  dans le projet des valeurs montantes telles que Tobey Maguire, qui joue Spider-Man, et Kirsten Dunst, Mary Jane, a tout de suite convaincu Dafoe et fait de lui un fan de Spidey. En fait, l'acteur - plus connu pour ses rôles graves dans "Platoon", "La dernière Tentation du Christ" et "L'Ombre du Vampire" - affirme que c'est la passion de Raimi pour le personnage de Spider-Man qui l'a incité à accepter d'endosser le costume du pire ennemi du tisseur, le Bouffon Vert.
 
 
WIZARD: On vous connaît  surtout pour vos rôles un peu marginaux dans les films comme "Platoon" et "L'Ombre du Vampire". Ca ne vous faisait pas peur de jouer dans une super-production bourrée d'effets spéciaux?
DAFOE: Non, j'adore les films d'action. Je savais que j'aurais à jouer des scènes physiques. Mais je recherche ce genre de rôles. C'est excitant. Ceci dit, je savais aussi qu'il y'aurait beaucoup d'effets spéciaux et la plupart des acteurs font la grimace quand on commence à leur parler d'écran vert et tout ça. Ils ont peur que le tournage soit long et ennuyeux. Moi, ça ne me dérange pas de jouer avec la caméra, de refaire la même chose des dizaines de fois jusqu'à que ce soit parfait. C'esr rébarbatif, effectivement. Mais il faut s'armer de patience. Dans une certaine mesure, c'est l'essence même du travail d'acteur. C'est parfaire une action.
 
Parlez nous du personnage de Norman Osborn et de sa relation avec son fils Harry.
Norman est un homme très ambitieux dont le fils n'est pas spécialement ambitieux, lui. Ils ne ressemblent pas. Et Harry est une déception pour lui.
 
Comment décrivez-vous le relation entre Norman et Peter Parker?
Il se retrouve plus dans Peter. C'est comme si c'étais le fils qu'il aurait rêvé d'avoir. Et il ne peut pas s'empêcher d'être tout content quand il voit Peter s'intéresser à ce qu'il fait, d'être fasciné par tout ce qui les rapproche, le fait d'avoir été orphelin très tôt, d'être autodidacte, de se passionner pour la science, d'aimer la discipline. Ils ont beaucoup de choses en commun, contrairement à Harry et lui. Il donne tout son amour à Peter et réalise qu'il a négligé son fils quand il est trop tard. C'est ce qui donne cette dimension tragique au personnage, parce qu'il aime vraiment son fils.
 
Qu'est ce qui pousse Norman Osborn à devenir le Bouffon Vert?
Je ne crois qu'il y'ait quoi que ce soit qui l'y pousse. Norman est juste quelqu'un de très ambitieux et il est persuadé que son travail - son destin - est de développer son intellect. Ce qu'il fait en menant des recherches scientifiques. Et le jour où il se retrouve obligé de pratiquer ses expériences sur lui-même, c'est pour lui comme un accomplissement. Maintenant, est ce que Norman a voulu devenir le bouffon vert? Je crois que oui. Mais il a eu plus que ce qu'il attendait. Norman a une soif immense de pouvoir, de perfection, de maîtrise, qui se matérialise sous la forme du Bouffon Vert, un phénomène un peu trop lourd à gérer pour un simple être humain. Parfois, le réalité dépasse le rêve, et c'est là que ça devient dangereux.
 
Sam Raimi nous dit que, de tous les cascadeurs, c'est vous qui étiez le plus à l'aise sur le surf. C'est vrai?
Eh bien, oui, je confirme que j'étais le meilleur et pas seulement sur le surf. Je me suis bien amusé avec ça. Je suis assez agile et, même s'il fallait des cascadeurs quand on tournait à plusieurs endroits parceque je ne pouvais pas être partout, il y'a certaines choses qu'on ne m'a pas laissé faire. Moi, je voulais tout faire, parceque j'étais le personnage. Je ne voulais pas que quelqu'un d'autre prenne ma place. Ca coupe le rythme. C'est un peu comme si un autre faisait l'amour à votre femme.
 
Comment ça s'est passé la première fois que vous avez mis le costume?
Je n'ai pas fait de défilé! Il y'a eu une très longue... disons... période de recherche et de conception. Il va de soi que le costume était très, très important. Il y'a eu beaucoup d'essayages et d'ajustements. Je me souviens la première fois que j'ai vu les dessins du costume, j'ai pensé: "Jamais ils n'arriveront à faire ça." Ca faisait très bande dessinée, c'était très beau, mais ça ne ressemblait pas au Bouffon Vert. Quand je le regarde maintenant, finalement, on n'en est pas très loin!
 
Pouvez-vous nous expliquer comment le costume  a été conçu  pendant la période de pré-production?
Ca a été un processus très long. Et j'étais directement impliqué car le costume et le masque ont été taillés sur mesure. Pour le masque, on a fait un moule de mon visage. Il a été fait pour moi. Et comme on a utilisé des matériaux qu'on n'avait jamais utilisée avant, je parlais constamment avec l'équipe des effets spéciaux et ceux qui s'occupaient des costumes pour leur dire si c'était confortable, pratique, s'il y'avait quelque chose qui gênait. On a modifié pas mal de trucs.
 
Quels genre de problèmes avez-vous rencontrés?
Quand je cognais la tête dans les scènes de combat, par exemple, j'avais besoin d'une protection, sinon je me serais cassé le nez. Le premier jour, j'ai fini avec plein de bleus et de marques de coups sur le nez. Le masque est rigide et assez lourd. Alors, je l'enlevais, on regardait les endroits ou ça butait, où ça faisait mal, et ils l'ajustaient pour qu'il s'adapte mieux à mon visage. A la fin, on se sent à l'aise et on finit par oublier.
 
Quelle différence y'a -t-il entre le Bouffon de la bande dessinée et celui du film?
Pour moi, le Bouffon de la BD, c'est une espèce de lutin déjanté! Il fait "fout gentillet". Dans le film, il fallait qu'il ait l'air plus recherché, plus impressionnant.
 
Comment ça s'est passé avec Tobey Maguire?
J'aime beaucoup Tobey. Et j'ai été agréablement surpris quand j'ai appris que c'est lui qui allait jouer Peter Parker. C'est quelqu'un de très sérieux, de très intelligent. Au début, il s'interrogeait beaucoup sur la personnalité du héros. Peter Parker est jeune, mais il doit avoir un certain poids moral et une certaine dignité que seule la sincérité peut lui donner. Beaucoup de jeunes acteurs sont très doués mais manquent d'honnêteté. Sur ce plan là, Tobey est tranquille. Il apporte énormément au personnage, à la situation. Il travaille dur et il n'a pas d'ego démesuré.
 
D'après Tobey, ça chauffait pas mal pendant les scènes de combat.
Dans la vie, je n'aime pas me battre. Mais dans les films, j'aime bien. Même quand c'est moi qui perds. Quand on se bat dans un film - ça doit aussi être comme ça dans la vie, d'ailleurs -,il faut faire comme les sportifs. Il faut essayer de garder le contrôle, tout en donnant l'impression qu'on le perd. Tout ça pour dire que si j'ai touché Tobey au menton, j'en suis désolé. Mais ça aurait pu être pire. (Rires Moqueurs)  
 
Avez vous forgé votre propre image du bouffon ou vous êtes vous inspiré de la bande dessinée?
Je me suis inspiré de la bande dessinée. Je crois que, très vite, tout le monde a compris que, pour que ça marche, il fallait que le film soit fidèle à la série d'origine. Il y'a tellement de fans de Spider-Man, si vous trahissez le personnage, ça ne va pas leur plaire et le film fera un bide. Pour moi, il était important de connaître la source de l'histoire. Parfois, pour être authentique, il faut savoir prendre des libertés. car si on est trop rigide, trop respectueux, on risque de ne pas saisir l'esprit de l'oeuvre originale. On essaie à la fois de rester fidèle à ce qui nous sert de référence et et de faire quelque chose de nouveau.
 
Comment expliquez vous le haine que le Bouffon Vert éprouve pour Spider-Man?
Pour le Bouffon Vert, Spider-Man et lui sont deux êtres exceptionnels. Tous les autres habitants de la planète ne sont là que pour leur obéir et eux pour exercer leur pouvoir. A partir de là, le Bouffon propose à Spider-Man de se joindre à lui, puisqu'ils sont de la même espèce. Mais Spider-Man a envie d'aider les gens et il veut utiliser ses pouvoirs pour ça. Ce à quoi le Bouffon lui répond, en gros: "Si tu fais pas équipe avec moi, on va être obligé de se battre parce que tu me gênes." Emotionnellement, c'est une situation complexe. Mais en terme de relation de pouvoir, c'est assez simple. Il est rejeté.
 
On dirait que vous aimez bien les rôles de méchants.
(Sourire narquois) Au fond, tout le monde rêve de jouer les méchants, parceque dans la vie, on ne peut pas. Ils ne nous laisseraient pas faire.
 
C'est la deuxième fois qu'on vous propose le rôle d'un méchant tiré d'une bande dessinée. Vous aviez pressenti pour jouer le Joker dans le premier film de Batman, non?
Oui, je me souviens (de cette rumeur). En fait, on ne m'a jamais contacté. Je me rapelle avoir lu dans un article que le scénariste de "Batman", Sam Hamm, avait dit que je ferais un bon Joker. Et je me souviens qu'on m'en avait parlé. Ca m'avait flatté. J'aurais bien aimé le faire. Mais personne ne me l'a proposé. Je ne peux même pas dire que j'étais sur les rangs.
 
Le Bouffon Vert est vraiment très méchant dans le film?
Aussi méchant que vous avez envie qu'il soit. (Rires) Je ne me pose pas ce genre de questions, vous savez. Quand je le joue, c'est le type le plus sensé du monde, parceque je suis lui. Et j'essaie de lui trouver des motivations, une logique. C'est peut être une logique un peu tordue, une logique pervertie, mais c'est une logique quand même. La sagesse veut que l'on ne juge pas son personnage, sinon on s'en éloigne trop. On doit le regarder avec plus de compassion qu'un être humain en aurait normalement et on finit par oublier qu'il est mauvais. On pense surtout qu'il est vraiment doué pour obtenir ce qu'il veut.
 
Bien sûr, vous n'allez pas nous raconter la fin du film. Mais si ça se faisait, vous seriez partant pour jouer dans la suite?
Oh, oui. Mais ça dépendera du réalisateur. Avec Sam Raimi, j'accepterai tout de suite. Il ne faut jamais dire jamais. Logiquement, on ne devrait pas voir le Bouffon Vert. Mais tout est possible, parceque c'est Norman Osborn, et parce qu'il est lié à Harry et que Harry sera dans la suite, il peut toujours réapparaître. A travers des flashes-back, des scènes ou un personnage s'adresse à lui, ce genre de choses. Vers la fin du tournage, justement, j'ai taquiné un peu Sam là dessus: "Non, tu ne vas pas me tuer, quand même" Et il m'a répondu: "Non, non, on va te faire revenir". C'est donc une possibilité. Peut-être pas dans le deuxième film, mais peut être dans le troisième.
 
<< Revenir aux interviews.